Papotages partie 2
Le
second est brun, l’œil vert et langoureux, le sourire aux lèvres,
il me regarde avec un petit air supérieur, presque méprisant tout
en s’agitant sur son bout de ciel ce qui fait tintinnabuler les
breloques et autres chaînes qui ornent son torse bronzé. A en juger
par les lettres qui apparaissent sur la casquette qu’il porte, il
s’appelle Gloire.
Le
troisième semble plus calme et plus humble. Il est beau lui aussi
mais sans ostentation. Il paraît serein, calme et tout à fait zen
ce qui me rassure quelque peu car les autres me semblent bien agités.
Il est brun, ses yeux le sont aussi, il n’est pas très brillant
comme le sont les deux autres mais il est réconfortant en plus de
rassurant. Sur sa chemise, son nom est brodé, il s’appelle Amour.
Maintenant
que je les ais bien observés mes trois messagers célestes, je me
lance et leur dis :
« Très
bien messieurs, et que suis je censée faire ? ».
Ils
répondent à nouveau d'une même voix :
« Eh
bien voilà, nous avons un problème ».
Je
leur ferais bien remarquer que c’est plutôt moi qui en ait un vu
que je viens de claquer dans un accident de voiture à l’âge peu
avancé de 50 ans mais je me retiens car il est sans doute préférable
que je sois conciliante si je ne veux pas finir coincer dans cet
endroit n’ayant pas vocation à passer l’éternité perchée sur
le rebord du ciel. Surtout que je suis fort sujette aux vertiges. Je
les laisse donc continuer à m’expliquer de quoi il retourne sans
piper.
« Vous
ne deviez pas mourir aujourd’hui. Vous avez donc droit à une
séance de rattrapage » disent-ils.
Là,
pour le coup, je l’avoue, je suis bien satisfaite et c’est tel un
nectar que je bois désormais leurs paroles. « Pour cette
séance de rattrapage, chacun de nous va vous proposer une option de
retour, c’est à vous de choisir ».
Et
la séance commence.
Nous
nous installons donc un peu plus confortablement, moi à califourchon
et eux chacun sur un nuage qu’ils ont fini par décrocher pour être
plus à l’aise et se mouvoir autour de moi à loisir. Pendant que
j’ai l’impression de chevaucher l’univers et que je me retiens
à deux mains de cravacher la voie lactée pour qu’elle me ballade
un peu au milieu des astres stellaire histoire de découvrir de quoi
il retourne dans le coin, ils tournent autour de moi et m’observent
attentivement. Sur toutes les coutures.
Au
bout de quelques minutes d’observation intense, le premier qui se
nomme Beauté gare son nuage exactement en face de moi et m’adresse
un sourire à faire pâlir toutes les lunes du coin. Je ne vous cache
pas que je me verrais bien courir quelque peu la prétentaine avec
lui compte tenu de son physique avantageux mais je sens que ce n’est
pas le moment, il semble solennel. Je souris en m’apercevant que
c’est bien moi, ça, d’envisager me précipiter dans de nouveaux
embêtements alors que je sors d’en prendre parce qu’erreur ou
pas, pour l’instant, je suis morte, il est donc plus que temps que
je fasse abstinence et que je me concentre non sur mes sensations
mais sur mon devenir ! Donc je renonce aux visions libidineuses
qu’il m’inspire avec son physique de jeune premier et je suis
toute ouïe. Il décline donc sa proposition.
Tout
d’abord, il est impératif que je sache qu’il m’ôte toute
mémoire. Erased des souvenirs, j’aurai tout oublié. Ceux que j’ai
aimés et ceux qui ont omis de m’aimer, ceux qui m’ont tendu la
main et ceux que j’ai accompagnés, ceux qui m’ont abandonnée et
ceux qui m’ont reniée. Tout. Et tout le monde. Oubliée, envolée,
partie. C’est la première condition et elle est incontournable.
Sine qua non qu’elle est. Ensuite, le temps me sera limité :
j’en reprends pour 20 ans. Pas un jour de plus. C’est donc à 70
ans que je passerai de vie à trépas et j’observe que soixante dix
ans, bien qu’un age avancé n’est pas pour autant canonique. Je
fronce un peu les sourcils car je ne vois guère en quoi sa
proposition qu’il prétendait alléchante le soit tellement. Il
remarque ma déconvenue alors il passe à la suite : la liste
des douceurs. Je serais la plus belle femme du monde et donc, dans le
même temps, la plus courtisée, la plus adulée, la plus admirée.
Madame plus et son physique de rêve. La femme universelle.
Référence. Je commence à entrevoir les possibilités. Je m’imagine
quelques secondes. Une crinière de rêve pour mieux ligoter les
hommes, des yeux de biche pour mieux les fasciner, une bouche comme
un fruit rouge au milieu du visage et des lèvres charnues pour mieux
croquer toutes les pommes qu’ils me présenteront, une peau de
pêche pour qu’ils commettent tous les péchés possibles, des
jambes de danseuse pour mieux les faire courir, des seins à tomber
parterre qui ne tomberont jamais et dont ils rêveraient la nuit, sur
l’écran noir de leur nuit avec moi, tel Fellini, ils
glorifieraient ma poitrine comme on se prosterne devant une déesse.
La femme idéale. Le rêve. Je souris un peu. Je m’apprête à
poser des questions mais il me stoppe immédiatement. Je dois tout
d’abord écouter les autres. Il démarre sur son nuage et va
s’installer à ma droite laissant sa place à Gloire qui arrive tel
un bolide sur son nuage scintillant pour se garer en réalisant un
savant dérapage en regard de cette donzelle qui garde son sourire
malgré qu’elle vienne de claquer.
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