Papotages partie 1
Ce matin, j’étais bougon. J’étais
prête à en découdre avec le premier qui d’aventure s’amuserait
à me marcher sur les pieds. Et je ne sais pas pourquoi, ce n’est
pas un mais toute une flopée qui se sont donnés rendez vous pour me
tirailler les neurones au point d’en faire une pelote tellement
emmêlée qu’une vie ne suffirait pas pour que je refasse
l’écheveau tout bien comme il faut. Notez qu’en plus, ils ne se
sont pas gênés pour me les écraser tout à fait. Les pieds. Bien
sûr, il n’y eut rien de vraiment grave juste des petites
contrariétés et autres minuscules cailloux dans les rouages mais
j’en fus si contrariée que la journée avançant, j’étais
devenue tout à fait hystérique.
J’étais
dans cet état quand j’ai pris le volant. Incapable de me
concentrer tant cela jacassait dans ma tête. Une voix disait calme
toi, tout cela n'est pas grave tandis qu'une autre disait que cela
suffisait comme ça de faire la bonniche en plus de la mère de
famille. Je compris rapidement que c’était mon ego qui faisait
l’imbécile tel un gosse mal élevé qui tape du pied. Et compte
tenu que c’est dans ma tête qu’il piquait sa colère, vous
imaginez aisément mon état. Enfin, j’allais tellement mal que je
finis par fondre en larmes et que les essuie glace que j’activais
par cette ensoleillée journée d’été eurent beau faire des
efforts, ils furent absolument inefficaces pour ce qui est de balayer
la rivière salée qui se déversait sur mes joues.
Je
râlais, je me lamentais, j’en avais assez et comme je remuais mes
petites contrariétés, ce sont les souvenirs qui ont fini par
remonter. Les mauvais. Et ce n’est rien de dire que ce n’est plus
une rivière qui s’écoulait doucement mais bien des torrents de
larmes au point que sans une ouverture rapide de la fenêtre, je
risquais la noyade !
J’en
étais à ce point quand il a du se passer quelque chose. Je ne sais
pas trop quoi compte tenu que je n’ai qu’une vision vague des
événements. Sous forme de flashs. Je suis sur la route, au volant
de la voiture lancée à toute allure sur la route sinueuse, je vois
bien l’automobile qui file, j’entends bien la musique qui se
déverse dans l’habitacle et moi qui pleurniche et prend très
vite, trop vite peut être, le virage qui mène à la maison parce
qu’en plus d’énervée, je suis très très en retard. Il faut
vous dire que j’ai une nette tendance à être fâchée avec toutes
les montres et autres horloges dont le monde regorge. Je déteste le
temps qui file, il me fait peur car il me rapproche de la fin. Ma
fin. Inéluctable. C’est ainsi que le virage, je l’ai pris bien
trop vite. Est ce que c’est la gravité qui a repris la main ?
Est ce que c’est la voiture qui a regimbé ? Peut être que
toutes les montres du monde se sont vengées que je les ais tant
méprisées ? Quoi qu’il en soit, j’ai vu l’arbre qui
s’approchait, écartant ses branches comme il aurait ouvert les
bras, pour que je m’y précipite dans un fracas de taule. Je le
soupçonne d’avoir tenté d’amortir le choc. Il a raté son
coup.
C’est
comme ça que je suis morte. Je suis « mourutte » à
défaut d’enterrée. Enfin il me semble parce que rien d’autre ne
pourrait justifier que je me retrouve assise là. Sur la voie lactée.
Au bord de la voûte céleste. Sur le rebord du ciel. Tout de suite,
maintenant, tandis que je vous parle, je vois la terre en contrebas
et j’ai les pieds dans le vide. Qui se balancent. Je suis bien
embêtée car je vais vraiment être en retard cette fois et j’avais
toutes les courses dans le coffre ! Compte tenu que ma situation
me semble peu sécure, je n’ose pas trop bouger, j’ai bien trop
peur de tomber, il ne manquerait plus que je meurs une seconde
fois…J’ai cessé de pleurer bien sûr toute occupée que je suis
à tenter de savoir comment je vais me tirer de cette situation. Mais
me voilà seule. Enfin. C’est ce que j’appelais de tous mes vœux
tout à l’heure dans la voiture, être seule, qu’on me fiche la
paix, que je puisse m’occuper uniquement de moi. Mon ego peut se
frotter les mains, il va pouvoir se vautrer à son aise désormais.
Mais
ma solitude ne dure pas, voilà que se pointent trois loustics qui se
déplacent en virevoltant assez aisément compte tenu qu’ils ont
une hélice plantée sur la casquette. Ils s’approchent,
m’observent, se chamaillent un peu pour finir par s'aligner devant
moi, façon tulipe, en rang d’oignons. Ils semblent me connaître
puisqu’ils s’adressent à moi en prononçant mon prénom :
« Bonjour
Cathy, sois la bienvenue dans le passage céleste, nous voici près
de toi pour te guider dans ton dernier voyage » disent-ils de
concert.
Je
les observe dubitative car ils ne ressemblent en rien à des férus
du tourisme, même céleste encore que ne m'étant jamais documentée,
je peux bien évidemment me tromper. Je leur souris bien sûr mais
pour tout vous dire, je suis un peu déçue : j’aurai bien
aimé que mon dernier voyage se fisse dans des conditions optimales
et ils me semblent bien peu équipés les uns comme les autres pour
se faire. Discrètement, je les observe pendant qu'ils stoppent leur
hélice puis s’installent en face de moi, assis sur le bleu du ciel
qui semble s’être solidifié pour qu’ils puissent y poser leur
séant.
Le
premier est blond, très beau, avec de grands yeux bleus et l’air
angélique. Si j’en crois son tee shirt, il s’appelle Beauté et
fort m’est de constater qu’il porte parfaitement son nom. Il
semble très sûr de lui, me lance des œillades au point que je
commence à m’interroger sur ses intentions réelles car il va sans
dire qu’il me serait ardu de me laisser séduire sur ce bout de
voie lactée que j’évalue peu fiable en terme de stabilité.
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