Chapitre 2 M'enfin où est passé le toit de la voiture ? 1 / 3


Les semaines passant, bébé Benjamin devint petit Ben et s’avéra être l’enfant le plus délicieux de la terre. Gentil, sage, toujours satisfait, dormant tout son saoul sans piper des 12 heures de rang, il était parfait ce qui fit qu’il fut à nos yeux, et à ceux de notre entourage au point de leur filer l’envie d’avoir le même, le bébé le plus cool du monde. Il me semblait qu’il avait une forme de sagesse innée, venue du fond des âges (ce qui lui valut un temps le surnom de Titinouche le fils des ages farouches) et que certain que je l’aimais à la folie, il n’éprouvait pas le besoin de brailler pour se rappeler à moi, nous étions ensemble et ça lui suffisait. Il faut dire que j’étais scotchée à lui comme une moule à son rocher ; je l’aimais d’amour fou, aimer son père n’avait été qu’une répétition avant le grand amour, celui qui me liait à ce petit bonhomme. Quiconque l’aurait approché m’aurait vu bondir pour le protéger. J’étais en mode Terre Neuve (le chien) pour ce qui est de l’avoir à l’œil et je me serais jetée dans n’importe quelle fournaise voire dans une mer déchaînée s’il l’avait fallu pour le sauver. J’étais sa mère, il était mon fils, toutes ces années sans lui n’étaient que des brouillons, sa naissance m’avait donné la vie. Je n’étais de ce monde que pour le rencontrer.

Le quitter quelques heures pour travailler m’ayant plongée dans des affres épouvantables qui me laissaient en larmes et inconsolable, mon media planning director avait trouvé plus judicieux de me laisser chez moi et avait fait en sorte que je sois protégée financièrement en me licenciant économique ce qui était possible alors. Est-il encore vivant ? Je ne le sais pas mais où qu’il soit, je le remercie de m’avoir fait ce cadeau : rester avec mon fils. J’avais bien fait quelque tentatives pour reprendre mon travail à l’agence puisque son père y tenait mais je n’étais plus qu’une serpillière lorsque j’arrivais le matin dans l’avenue de Turenne sous prétexte que j’avais du le quitter et le laisser chez nous sous la surveillance de mon amie Doume. Elle l’adorait, il était donc en sécurité et choyé. Moi pas. M’éloigner de lui était un arrachement, mon cœur loupait des battements dès que je ne pouvais plus le renifler. En larmes, tremblante, je ne supportais pas d’être loin de lui alors cet ancien anarchiste reconverti dans la publicité trouva que ça suffisait comme ça de me voir dans un tel état et il me renvoya chez moi preuve s’il en était besoin que fut un temps où les patrons avait de l’humanité.

Dans notre appartement bleu ciel, c’était le bonheur autour de son couffin. Il y eut bien sûr quelques épisodes où nous dûmes en pleine nuit stériliser des biberons parce que nous avions oublié de les préparer ce qui fit que nous nous ébouillantâmes pour le nourrir rapidement vu qu’il commençait à la trouver mauvaise la blague bébé Ben et d’autres où son père trouva judicieux de lui nettoyer le derrière à l’alcool à 90° ce qui manqua me décider à le passer par la fenêtre et autres moments où certaine qu’elle était trop belle l’histoire et qu’on allait me l’enlever, je le sortais en plein hiver de son landau pour le secouer parce qu’il avait eu la malencontreuse idée de s’endormir les yeux ouverts et que je le croyais mort. Devant le petit cri qu’il poussait alors, surpris que je le traite ainsi, je le serrais contre moi en sanglotant sous le regard atterré des promeneurs des Buttes Chaumont. Je passais chaque nuit la main dans son couffin des fois qu’il se sauverait et à part un épisode où il décida exceptionnellement de pleurer en pleine nuit et où son père le mit dans la baignoire, avec son couffin bien sûr, et qu’il me maintint de force dans le lit pour m’empêcher d’aller le récupérer ce qui signa le début d’une certaine interrogation à son endroit, il était jour après jour un bébé adorable.

Compte tenu que nous étions encore un peu des gosses, nous traitions notre fils comme nous l’aurions fait d’un pote : nous l’emmenions partout avec nous y compris dans les endroits les plus invraisemblables comme les cinémas, les restaurants et autres boîtes de nuit. (Si mes enfants s’autorisaient à faire de même avec leurs enfants, je crois que je pousserais de hauts cris) mais âgés de 20 ans et quelques, il ne nous était pas apparu que là n’était pas sa place et voulant encore un peu profiter de notre jeunesse, nous l’emmenions dans toutes nos fiestas. Il ne semblait pas en être gêné. Il roupillait, ou qu’on soit, pour peu que j’ai posé ma main sur lui ou lui ai laissé l’un de mes foulards pendant que j’allais quelques minutes m’agiter sur la piste.

L’été arrivant, il pris son premier tgv à l’âge de 6 mois pour aller passer l’été en Ardèche, en pleine forêt. Le site était magnifique (lieu du tournage du film de Schoendoerffer), les gens charmants et la piscine à nos pieds. Il prit ses premiers bains dans nos bras, défraya la chronique du village tant il était beau et sage tandis que pour ma part j’écoutais la patronne du village club, une fille magnifique carrossée chez Ferrari, m’expliquer qu’elle ne voulait pas d’enfant parce que « ça déformait » et qui dans le même temps s’étonnait que je ne le sois pas. Pauvre gourde. J’étais bien plus belle après l’avoir porté ce fils, j’étais transfigurée par sa présence, comme irradiante, ce qui fait que son époux qui l’écoutait navré débiter ses niaiseries me traitait de Madonne ce qui n’est pas la plus méchante chose que l’on m’ait dite.

Charly de son côté bronzait, nageait, jouait au tennis, au foot , sous mon regard bienveillant puisqu’il était celui qui avait permis ce miracle, cette révélation : la naissance de Benjamin. J’aurais du me douter qu’il allait bien nous jouer un tour à sa façon, ça ne manqua pas, il déclencha une angine carabinée en plein été, qu’il refila à son fils, ce qui fit que notre bébé frôla les 41° de fièvre et que nous dûmes, conduit par un fou du volant qui prenait les virages à 100 km heure dans les collines, descendre en catastrophe « à la ville » pour le faire soigner avant qu’il ne puisse plus respirer pour cause de gorge tout à fait gonflée (je suis depuis une affolée du volant et je trouille dès qu’il faut que je pose mes fesses dans une voiture que je ne conduis pas. Hormis lorsque Benjamin conduit. Parlez moi de vélo, de train au pire d’avion mais alors les voitures ! Un peu comme les ascenseurs, sauf que je monte encore dedans, la mort dans l’âme).

Rentrés à Paris dans notre coin de ciel bleu, je décidais que j’en voulais un autre. Un autre bébé. Certaine que j’allais étouffer ce petit Ben à force de l’avoir en point de mire, de l’aimer presque trop, il fallait impérativement que je sois obligée de partager mon amour et mon temps sinon j’étais en passe de jouer l’arrache cœur, de Boris mais façon Cathy. Un mardi soir, après une soirée avec des amis, nous fîmes à nouveau le nécessaire et comme précédemment, enceinte je fus. Neuf mois après la naissance de Benjamin. Et Charly ? Il recommença sa crise du garçon qui a peur mais cette fois je me contentais de hausser les épaules en attendant qu’il se calme (Je comprends presque maintenant, avec le temps, qu’il ait pu être terrorisé à l’idée d’avoir deux enfants à 22 ans mais je ne pouvais pas faire autrement. Je savais qu’ils étaient nécessaires à ma survie, ils ne furent pas des enfants alibis ou caprices, ils furent mes ancres et mon port d’attache à la fois. Sans eux, je n’étais qu’une frêle coquille de noix sur la mer déchaînée. Pour cause de mère fracassée par sa folie, l’alcool mondain, les barbituriques et les suicides à répétition entre deux voyages. Pour cause de père adoré mais aux abonnés absents, ou presque. Pour cause de viol, pour cause de trahisons, pour cause d’enfance de merde qui avait l’air, vu de l’extérieur, d’une enfance dorée de petite fille pourrie gâtée mais qui n’était que chagrins à répétitions. Je savais intuitivement qu’ils seraient ceux qui me pousseraient hors de mon enfance, me forceraient à grandir, à être solide, forte et grande. J’étais authentiquement désespérée depuis des années, les mettre au monde c’était ma plus belle façon de renouer avec l’espoir). Pour ces raisons, les enfants étaient l’impasse dans laquelle se fracasserait Charly s’il me les refusait.

En somme et pour conclure, un nouveau bébé grandissait dans mon ventre. C’est ainsi que quelques mois plus tard, après avoir passé une partie de la nuit à jouer à la Scopa entre deux contractions, nous foncions en pleine nuit vers l’Hôpital Rothschild tandis que Manon gardait petit Ben. J’eus beau dire à Charly qu’il n’y avait pas d’urgence, que c’était « une fausse évasion » il tint à la perfection le rôle d’Aldo dans l’Aventure c’est l’Aventure, manqua nous tuer, brûla des feux rouges, me fracassa le dos sur les pavés des boulevards extérieurs, me cogna la tête dans la capote à force de faire sauter la 2cv que nous avions troqué contre la Harley pour véhiculer petit Ben et dont la suspension était à revoir pour ne pas dire inexistante. Il me jeta littéralement à l’hôpital sous le fallacieux prétexte que je venais de le traiter de névropathe cyclique et parti garer la pétaradante qui n’en revenait pas.

Ensuite, le cirque habituel (Je me rends compte en l’écrivant que contrairement à ce que j’ai toujours affirmé, mes accouchements furent plutôt folklos. Le premier manqua m’envoyer ad patres, le second ne fut guère mieux. Et pourtant je n’en garde que de bons souvenirs comme si l’arrivée d’un nouvel enfant balançait aux orties les heures ayant précédées sa venue, petit bébé gomme qui efface la douleur et la peur). N’ayant pas bénéficié de la péridurale pour Benjamin, je refusais bravement la dite anesthésie pour le second enfant. Pour ne pas faire de jaloux. Pour que jamais l’un de mes enfants puissent me reprocher de n’avoir pas accepté de souffrir pour le mettre au monde comme je l’avais fait pour leur frère aîné. Imbécile superstition. J’aurais du me méfier de la sage femme qui semblait ne pas souhaiter appeler le médecin, j’aurais du. Mais au lieu de ça, je montais bravement sur la table et je m’apprêtais à le mettre au monde. C’était sans compter sur les soubresauts de la 2 cv dus à la conduite névrotique de Charly qui impliquèrent que le bébé, repoussé par tous ces sursauts, se présentait mal. Enfin mal : de la seule façon qui ne « passe » pas, par l’épaule ce qui obligea la pas sage femme en question de le repousser façon accouchement vétérinaire, en enfonçant sa main, voire une partie de l’avant bras… Humm, cela fut disons, douloureux et alors que je lui demandais de retirer sa main, elle s’agaça puis l'ayant enfin retiré, elle commença à courir d’une salle de travail à l’autre sous prétexte qu’elle voulait faire les deux accouchements en même temps, puisque autre accouchée il y avait. Un coup de la pleine lune. (Mesdames, un conseil quand vous êtes à terme et que la pleine lune se pointe : fuyez ! Sinon vous finirez traitée façon bétail). Enfin passons. Il finit par trouver le chemin et poussa son cri. Plutôt son hurlement. Jonathan dit Jonas alias Ratatouile. Contrairement à son frère qui était tout lisse et tout beau lors de sa naissance, il semblait qu’il ait fait un combat de boxe pour s’en sortir et qu’en représailles, il hurlait à s’époumoner dès que je ne l’avais pas dans les bras. C’est ainsi que Jonas fit la moule à son tour, sur son rocher de mère.


Commentaires

  1. étrange cette idée de vouloir un autre enfant de suite : moi je pensais à la naissance de ma fille aînée que je ne pourrais pas aimer un autre enfant autant...

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