Prologue ou Comment la Pitié n'en fit pas preuve du tout 1 / 4


Fin novembre 2009

En plein préparatifs de noël car chez nous, ils commencent dès novembre vu que toute la maison s’en trouve transformée (c’est du boulot, je vous le garantis), j’ai le pied sur une chaise et l’autre sur un meuble lorsque sonne cet imposteur domestique que l’on nomme téléphone. Je saute de mon perchoir puis décroche en râlant. A l’autre bout du fil (encore qu’à notre époque, le fil a disparu sur la plupart des téléphones), un cardiologue qui a lu les résultats de mon fils et qui affirme que, sur l’électrocardiogramme dudit fils il y a un problème. Il veut le voir, propose un rendez vous le 4 janvier 2010. J’assure informer l’intéressé au plus vite, hausse les épaules et raccroche. J’en avertis immédiatement le fils en question, Benjamin, qui, en équilibre instable sur l’escabeau tente de fixer la guirlande lumineuse que année après année nous accrochons pour illuminer le perron ; il montre le même mépris que je viens de témoigner et nous reprenons notre organisation des festivités de noël et de son anniversaire puisqu’il est né un 29 décembre. Puis, nous oublions. 

A Noël, nous rions, bâfrons, ouvrons des cadeaux, tapons des pieds, des mains, chantons, nous chamaillons un peu aussi, le train train. Le chat Viktor fait quelques escapades dans la neige poursuivit par Chloé en chaussons, transie de froid, qui le ramène dans ses bras, quelques glaçons au bout des poils tandis que Zonzon, le terre neuve, fait son vaniteux vu que c’est quand même bien le seul à se vautrer dans la susnommée sans en être démarmaillé.

4 janvier 2010 

Benjamin va seul au rendez vous. J’ai proposé de l’accompagner mais il a décliné ma proposition, persuadé que ce sera une promenade de santé. Un peu inquiet tout de même au cas où ce petit problème l’empêcherait d’entamer sa formation à l’école des plongeurs hyperbare de Marseille. Je me réveille au moment ou, de retour, il monte l’escalier qui mène à ma chambre. Je le regarde pénétrer la chambre, grand, beau, l’œil sec et blanc. Tellement blanc. Je sens immédiatement que quelque chose détonne dans la scène, qu’un drame nous tombe dessus alors je serre les poings pour encaisser et j’attends. Qu’il me dise.

« Maman, j’ai une grave maladie cardiaque, je peux mourir à tout moment ».

Je pousse un grand cri et m’écroule sous le poids de la nouvelle. Sur le banc au bout du lit. Il me relève doucement, les larmes aux yeux, pour me prendre dans ses bras. Je sais, parce que c’est un mensh mon fils, que la tristesse tendre de son regard sur moi, ce n’est pas à cause de ce qu’il lui arrive mais pour le coup qu’à son corps défendant et contre sa volonté, il vient de me porter. Sa petite sœur, Chloé, affolée par mon cri, descend en courant de son perchoir sous les toits et fait comme moi je fais depuis quelques secondes : elle tente d’encaisser le coup.

Jonathan, le cadet, averti par téléphone, quitte son internat pour revenir dormir dans la maison familiale afin que nous nous tenions un peu chaud parce que le vent glacial qui souffle dehors a fini par pénétrer la maison, nos rires, nos cœurs. S’en suit, les jours d’après, une sorte de brouhaha à grands coups de téléphone, d’appels au secours aux amis très connaisseurs de cardiologues au top et de « il a du se tromper, ce n’est pas possible ». Je regarde Benjamin, en pleine forme, sportif, sain, magnifique, mon fils aîné, et je me dis, non, décidément non, ce n’est pas possible.


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