Chapitre 1 : L'événement le plus important depuis qu'on a marché sur la lune 3 / 4
Après un stage chez Manon,
nous finîmes par prendre un appartement aux Buttes Chaumont à
quelques mètres d’elle pour y construire notre nid. Mais bien
évidemment, le nid en question ne devait pas être celui de tout le
monde ce qui impliqua qu’à peine les clés en poche et Charly
envoyé au boulot pour avoir les coudées franches, j’arrachais
laie par laie le superbe papier de l’appartement et continuais mon
travail de destruction en enlevant la moquette car j’avais
découvert qu’en dessous, c’était du parquet ! Nul doute
que lorsqu’il rentra et découvrit le massacre, il faillit me
quitter. Mais après réflexion, devant mon air enthousiaste, il est
resté et a saisit le rouleau que je lui tendais.
Des jours et des
jours, nous avons tout refait, en écoutant Michel nous hurler qu’il
jouait du panio debout et sa femme lui faire sa déclaration au grand
Dam de tous les voisins bon chic bon genre qui regardaient d’un
drôle d’air les petits jeunes qui venaient de s’installer dans
cette résidence, pas du tout habitués à notre genre zinzins
échevelés. Nous les sentions bouillir à chaque fois que nous les
croisions devant l’ascenseur et que je leur adressais un timide
« bonjour » tandis que Charly faisait le joli cœur
mondain et parlait de la pluie et du beau temps qui ne manquerait pas
de revenir ma bonne dame. L’exaspération fut à son comble quand,
admirant notre intérieur façon Magritte, nos murs bleu ciel avec
des nuages et des oiseaux roses, le tout peint par nos petites mains,
notre parquet revigoré et les meubles de jardin avec le parasol en
plein milieu, je décidais que non non non la balustrade en bois ce
n’était pas possible, qu’il fallait qu’elle soit claire et
décidais de la repeindre. En bleu ciel. Tandis qu’en chantonnant
cette affaire de pianiste incapable de s’asseoir je repeignais la
balustrade en question, je vis bien un attroupement en bas et des gens
faire de grands moulinets avec les bras mais dans mon aveuglement, je
me contentais de leur faire de grands signes pour leur dire bonjour,
balançant des gouttes de peinture dans tous les sens. Une heure, après on sonnait à la porte que j’ouvrais en short, pour changer, et mon marcel de peintre, des seins dans tous les coins. Trois
messieurs tout gris, visages et costumes, me regardèrent quelques
secondes avec un air ahuri, puis se mirent à sourire et à
franchement rire. Alors que je m’étonnais de leur hilarité ils
m’expliquèrent que j’avais un peu repeint tout l’immeuble,
enfin des gouttes, et que tous les voisins du dessous avaient du bleu
ciel sur leur balustrade. Je fis « Oh », ils firent « Ben
oui » et quand je demandais « Qu’est ce que je dois
faire ?», ils m’expliquèrent gentiment mais fermement qu’il fallait la
repeindre en marron, la balustrade bien sûr pas les voisins, et
aller s’excuser auprès des dits voisins. En fait, c’étaient les responsables du syndic de l’immeuble qui s’étaient déplacés pour me tirer les
oreilles et s’étaient contentés de me reluquer les guibolles tout
en m’ordonnant de repeindre.
Tremblante de peur, je me réfugiais
dans le lit en attendant Charly, persuadée que nous risquions
l’expulsion voire les jets de pierre. Le soir venu, nous allâmes
ensemble rencontrer nos voisins du dessous, tous, soit 6 puisque nous
étions au 8ième étage. Ils furent charmants, disant
qu’en fin de compte ce n’était pas si grave, que la peinture
partirait, nous proposant qui un gâteau, qui un thé, qui de dîner
avec eux, je crois que nous étions séduisants et que leur ire
s’était de fait éteinte devant notre jeunesse teintée
d’insouciance. Il ne restait que celui du dessous, oui il en manque
un si vous avez suivi, au 7ième qui avait la réputation
de ne pas être commode mais très gay et qu’ayant créé une
station de radio, le début des radios libres, il rentrait très
tard. Enfin on disait homosexuel à l’époque, avec un air
dégoutté. Je conseillais donc à Charly d’y aller seul ce qu’il
fît sur les coups de minuit. Il mit son œil noir velours,
s’accrocha un sourire ravageur et il remonta une heure plus tard,
l’air content de lui. Le sieur en question, tout à fait homo
effectivement, avait été charmant clamant que mais non ce n’est
pas graaaaaaaaaave cher ami et lui faisant visiter son appartement
façon bonbonnière (je le soupçonne encore à ce jour d'avoir
souhaité régler le problème par un petit échange de fluides de
derrière les fagots mais Charly n'était pas intéressé).
Dès
lors, nous fûmes tout à fait acceptés et le concierge choisit de
me donner le surnom de Virginie car dans un feuilleton une nommée
Virginie faisait les 400 coups et je leur faisais à tous beaucoup
penser à elle. Nous étions adoptés. Et ravis. Reste que bien sûr
j’évitais définitivement de repeindre l’immeuble façon power
flower mais nos soirées de goguette, nos fêtes intempestives, nos
débarquements en Harley et son vrouvroum bien connu ne nous valurent
plus jamais de grimaces et autres grinçages de dents mais de larges
sourires jusqu’à la voisine qui nous adorait car on mettait un peu
de vacarme dans le silence pesant de sa vie. C’était de belles
années ce début des années 80 !
les années 80 "à Paris, nous les avons vécues aussi dans le Marais, années bonheur au 5ème sans ascenseur!
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