Chapitre 1 : L'événement le plus important depuis qu'on marché sur la lune 2 / 4
En effet,
depuis l’âge de 14 ou 15 ans, régulièrement, je mettais un
oreiller sous mon pull et me promenais ainsi dans l’appartement
désert, en me reluquant dans les vitres, les mains sur mon faux
ventre et en priant pour qu’un jour, ce ventre soit fécond et
abrite un trésor. Un bébé. Mon bébé. Mère c’était ce qui
pouvait m’arriver de mieux, je le savais, je le sentais, les
enfants seraient ma survie, mon ancrage dans la vie, les enfants
seraient ce tout qui ferait que malgré les bourrasques je tiendrais
toujours bon, debout dans la tempête.
Petit à petit, je me fis panthère,
enfin apprentie panthère, et commençais à sortir les griffes, à
rendre coup pour coup. Tu me trompes ? Je fais semblant de te
tromper. Tu me repousses ? je pars et je ne te réponds plus. Car
j’étais devenue assez jolie alors les prétendants étaient
nombreux, la place était vite prise. Mais je revenais lorsqu'il
m’appelait en pleurnichant ; s’ensuivait des réconciliations
torrides précédant de nos nouvelles algarades. Nous eûmes des
guerres terribles, les joutes ne s’arrêtaient pas au premier
sang et je vous passe les pauvres hères qui servaient d’intérim
et se firent lourdement écharper par mes coups de griffes. Tous les
autres hommes, à part lui, étaient devenus mes arbres à chats. Les
pauvres.
Le temps passant, j’en ai eu assez.
Suite à l’épisode « je menace de te casser la figure parce
que tu veux qu’on se marie » ce qui lui valut de se faire
casser une lampe sur la tête, je commençais à en avoir plus que
ras la marmite à fondue. Assez d’attendre qu’il daigne se rendre
compte qu’il m’aimait puisqu’il perdait l’air dès que je
foutais le camp. Ras la bassine à crêpes de ses niaiseries. Il
partit encore en Israël, pour de bon cette fois à l’entendre, je
versais quelques larmes et puis j’arrêtais.
Travaillant dans la pub, le métier
branché de l’époque, je vivais debout sur les starting block, le
jour et la nuit. Le jour à l’agence je frayais avec des
Gainsbourg, Scheller et autres Daniel Robert, la nuit j’écumais
toutes les boîtes de nuit parisiennes, fréquentais des célébrités,
des moins célèbres et des pas du tout semant sur mon passage
quelques épines dans le cœur de ceux qui commirent l’erreur de me
croire libre, écoutant leurs compliments comme on boit du petit
lait, souriant devant leurs affirmations que j’avais les mêmes
yeux que Liz Taylor et les rendant fous parce que je ne me laissais
jamais approcher vraiment. Et puis il y eut un Thierry. Un gentil et
grand garçon, doux, tendre, beau, quelque chose de Mike Brandt, et
excellent amant car cette fois je cédais. Dans les bras de Tarzan,
je passais l’été. Il m’apprit que dans la tête on pouvait aussi avoir la chair de poule. Quel déjeuner de soleil ce grand garçon aimant et
tendre. Je me laissais aimer, c’était bon, un peu comme des
vacances. Chaque matin où nous n’avions pas passé la nuit
ensemble, il m’attendait dans un café de la rue de Presbourg et
m’obligeait à petit déjeuner avant que j'aille à l’agence compte
tenu qu’il savait que j’avais déjà fumé plusieurs cigarettes,
tout à fait à jeun et que ça l’inquiétait (c'est d'ailleurs un
truc qui ne s'est jamais arrêté ce qui me vaut de tousser comme une
perdue et risque fort de me jouer un sale tour un de ces jours). Il
était si gentil, si attentionné, si prévenant que je commençais à
douter de l’utilité de lui demander de revenir à l’autre zinzin
infernal parti dans son kibboutz ; après tout, il pouvait bien
y rester, moi j’étais enfin sécure et ça me reposait les
neurones. (J’ai depuis Thierry une attirance toute particulière
pour les grands garçons certaine qu’ils sont doués pour vous
faire toucher le ciel).
Sans doute qu’à Charly il vint
l’intuition car il se mit à me supplier de le rejoindre. Là bas.
Il pleurait dans le téléphone en me demandant de venir. J’hésitais,
tout le monde me disait de le laisser tomber, que Thierry futur
médecin était un « beau parti » en plus d’être un
très beau garçon (et un excellent amant mais ça je ne le disais à
personne) mais allez brider un cœur qui ne demande qu’à croire !
Alors je partis en demandant à Thierry de m’attendre. Un petit
peu.
J’arrivais à Tel Aviv un vendredi
soir. Dans cet aéroport, il y avait une grande vitre (peut être y
est elle encore ?) derrière laquelle tous les gens attendaient
les arrivées. Poussant mon chariot couvert de bagages compte tenu
que je m’étais crue en terre promise pour ce qui est du glamour,
je scrutais les multiples visages lorsque je le vis ; quelques
millièmes de secondes, je m’arrêtais, le regardant en plein
visage comme on tire une balle en plein front et tandis qu’il
courait pour me rejoindre, je laissais tout en plan, mon attirail de
parisienne en goguette, mes traveller chèque et autres dollars et je
me jetais dans ses bras déclenchant un sourire sur le visage de tous
les gens autour.
Nous étions jeunes, 20 ans à peine,
nous étions beaux, et nous nous aimions. Enfin. Quand dans sa
chambre du kibboutz je découvris des dizaines de photos de moi au
mur, que tous les gens rencontrés disaient "bonjour Cathy" je sus que j’avais eu bien raison d’attendre : ce
garçon infernal, violent et fragile m’aimait plus sûrement et
plus profondément que tous les autres ne m’aimeraient jamais, il
avait juste fallu du temps pour qu’il se rende, sans toutefois
déposer les armes.
Le séjour en Israël dura quelques
semaines. Nous décidâmes de quitter le kibboutz pour que je
découvre ce pays. Après quelques épisodes désopilants où nous
manquâmes nous faire zigouiller pour tout de bon par des
palestiniens agacés par notre outrecuidance à vouloir nous balader
du côté arabe de Jérusalem (surtout que j’avais tendance à
abuser du short), où nous fûmes adoptés par un chien errant qui
nous trouvait très à son goût, où nous découvrîmes avec horreur
l’autre côté de la force qui consistait à l’époque (m’est
avis que ça continue) à rafler tous les hommes jeunes des villages
après un attentat pour ensuite les passer à tabac, nous avions
traversé en car la totalité de ce petit pays et bien sûr je
tombais malade. Sans doute que, toute la tension retombant, je
m’écroulais. Charly me ramena au kibboutz amaigrie et tremblante
puis trouva un avion pour nous rapatrier car les intestins bourrés
de méchants amibes, je ne valais pas tripette et réussissais à
peine à mettre un pied devant l’autre alors, avant que je claque,
il avait jugé utile de me ramener en France. Il quitta donc Israël
avec moi, renonça à y vivre car je ne le souhaitais pas et il
décida qu’on ne se quitterait plus.
Le retour à Paris fut mémorable.
Après un voyage sous un orage virulent qui me laissa à penser que
je ne rentrerais pas vivante, je trouvais le moyen d’être coincée
dans l’ascenseur de l’immeuble de Manon à 1 h du matin pour cause
de coupure d’électricité et de trouver judicieux de m’en
extirper alors même que l’électricité revenue l’ascenseur se
remettait en marche. A quelques secondes prés, j’étais coupée en
deux ce qui me vaut depuis de scruter les ascenseurs comme des
monstres apocalyptiques, certaine que c’est un matériel destiné à
nous envoyer ad patres et à refuser définitivement d’y monter ce
qui fit que vivant à Paris de nombreuses années, nous avons gravi à
pieds des centaines et des centaines d’étages et qu’en fait
d’entrée très bcbg chez nos hôtes, nous faisions des arrivées
branquignolesques, en nage, à bout de souffle et échevelés si par
malheur, mais pour leur plus grand amusement, ils habitaient le
12ième étage !
:)
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